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Antisémitisme et vérité historique (Page 2) « C'est pas moi c'est lui ! » (Page 3) « Sieg Gibson ! » (Page 3) Du sang et des larmes (Page 4) Traitement narratif et artistique (Page 4) Casting (Page 5) Attiser les passions (Page 5) Du sang et des larmes Un autre domaine prêtant à controverse est sans conteste l'extrême violence du film. Cette violence, qui peut paraître très excessive, constitue le coeur du récit puisque Gibson ne s'attarde que sur le supplice du Christ. Le mot Passion vient d'ailleurs du latin et signifie "souffrance". Le ton était donné d'emblée. L'objectif avoué de Gibson était de faire un compte rendu 'fidèle' et sans fard du martyre de Jésus, ou plus concrètement de marquer les esprits en montrant de manière crue, brutale mais surtout symbolique, ce que le Christ aurait enduré pour sauver l'Humanité. On est effectivement bien loin de l'image d'Epinal ou du portrait Hollywoodien de cet épisode, superficiel, lisse et détaché de la "réalité". Gibson, lui, décide d'installer le spectateur au milieu de la foule. Il le confronte au plus près aux souffrances du Sauveur. Il oblige chaque spectateur à compter les gouttes de sang, sans lui permettre de se voiler la face... Rien ne nous est épargné. The Passion vise sans conteste une prise de conscience spirituelle et morale. Bien entendu, la manière avec laquelle le spectateur réagira devant cette exposition de chair zébrée et déchiquetée dépendra profondément de son vécu. Beaucoup ne supporteront pas d'être pris en otage par le réalisateur et d'être confronté de force à la torture d'un personnage dont l'existence même est incertaine. D'autres souffriront lors de la séance (comme cette américaine décédée d'une crise cardiaque lors de la scène de la crucifixion !), pleureront toutes les larmes de leur corps et avoueront avoir été profondément émus et touchés par le message universel du réalisateur et par le sacrifice si généreux du fils de Dieu. Vous l'aurez compris, une grande part de votre jugement sera conditionné par votre vécu en matière de religion. Mais pas entièrement et pas nécessairement. Les athées, dont nous faisons partie, ne sont pas forcément prédisposés à rejoindre le camp de ceux qui ne voient dans The Passion qu'un bain de sang continuel et sans intérêt de plus de deux heures. Si la violence paraît souvent s'éterniser et provoque plus qu'à son tour une sensation bien logique de malaise, nous ne l'avons pas trouvée 'gratuite', au sens que l'on donne aujourd'hui à cette expression dans le cinéma. Pleinement ancrée dans le récit et dans le propos du réalisateur, la brutalité souligne l'importance du sacrifice du Christ et le rend plus authentique. Ou en tous cas plus symbolique, puisqu'il est évident que Jésus perd beaucoup trop de sang pour que cela soit foncièrement réaliste. Beaucoup ont critiqué cette manière de filmer le calvaire du Christ, "à la façon d'un documentaire", comme si l'existence des évènements ou plus précisément leur déroulement ne faisaient aucun doute.
Pour souligner davantage l'authenticité du récit, et plus que certainement en accord avec ses préceptes fondamentalistes (voir premier paragraphe de l'article), Mel Gibson a opté pour un film entièrement tourné en araméen et en latin populaire (bien qu'il aurait fallu utiliser le grec, langue officielle de l'Empire). L'usage de langues mortes dans le film contribue à son charme, et, de par cette tentative de lui donner plus de réalisme, lui donne paradoxalement une ambiance inédite plus détachée du réel. La plupart des acteurs n'étant pas familiers avec ces langues, ils ont d'ailleurs tendance à parler un peu plus lentement que dans la réalité, histoire d'articuler à peu près correctement leurs mots... Du coup, la plupart des textes sont prononcés au ralenti, et cela contribue une nouvelle fois à cette ambiance éthérée et surréaliste... Traitement narratif et artistique Gibson a affirmé sa vision des choses avec beaucoup de larmes, de sueur et de sang. En sortant de la salle, nous n'avons pas eu envie de crier sur les toits la Parole de Dieu. Ce qui ne nous empêche guère de considérer The Passion comme un film intéressant, artistiquement et émotionnellement fascinant. Trahi par Judas, Jésus est arrêté dans le jardin des Oliviers à Gethsemani, au milieu de quelques disciples. A partir de cette scène introductive, le récit mêle brutalité et spiritualité avec les étapes du calvaire christique entrecoupées de flashbacks d'évènements très symboliques de la vie de Jésus (la dernière Cène etc....). Ces scènes, essentielles, constituent une antithèse élégante aux scènes de tortures qu'elles illustrent de propos spirituels, symboliques, profonds et porteurs d'espoir. A tel point qu'on aurait sans doute aimé en voir davantage pour éponger un peu plus l'hémoglobine coulant à flots. Car l'on peut finalement reprocher à Gibson de se 'contenter' de nous présenter l'agonie de ce personnage "mythique", obligeant le spectateur à être nécessairement familier avec son histoire pour pouvoir saisir la juste portée de ce déferlement de violence. Bien qu'athées et croyants soient généralement tous au fait de la vie de Jésus, une heure supplémentaire de film n'aurait pas été de trop pour remettre son martyre dans un contexte plus solide et narrativement plus riche. Isoler la violence aura sans aucun doute fait de The Passion un film beaucoup trop intense.
A trop vouloir souligner le propos, Mel Gibson tue le propos, diront certains. Et pas forcément sans raison. Mais, curieusement, malgré les déséquilibres évoqués, le film parvient à conserver sa force et... une certaine beauté plastique. Car le talent de réalisateur de Mel Gibson ne fait aucun doute, lui qui était déjà parvenu à rendre la beauté au milieu du chaos dans son superbe "Braveheart". Embelli par le travail d'un directeur photo qualifié, Caleb Deschanel - réalisateur de plusieurs épisodes de Twin Peaks, et directeur photo sur des films comme L'étoffe des Héros, Message in a bottle, The Patriot... - qui, selon le désir de son réalisateur, a donné aux images un esthétisme très inspiré des toiles du Caravaggio (peintre du 16ème siècle), les plans s'enchaînent avec une certaine grâce. Très contemplative, insistant sur les plans en slow-motion (ce qui peut en énerver plus d'un !), la mise en scène trahit une délicatesse et une élégance qui contraste avec la brutalité des images. La dévotion du metteur en scène est à la hauteur des autres membres du staff, italien pour la plupart (le film ayant été tourné en Italie), comme le décorateur Carlo Gervasi (Titus, Scipion l'Africain...), le directeur artistique Francesco Frigeri (Malena) et le costumier Maurizio Millenotti (Otello, Hamlet, Anna Karénine, Malena). Rappelons que les décors ont été pour la plupart créés au sein des légendaires studios italiens de Cinecitta (où Martin Scorsese avait tourné Gangs of New York il y a peu).
Le film, très réussi visuellement, trouve également un écho supplémentaire dans sa bande-son très réussie, l'oeuvre du quasi-inconnu John Debney. A son actif, on compte les musiques pour la série Star Trek : Next Generation, 3 épisodes de Star Trek Deep Space 9, les séries SeeQuest DSV et The Pretender (générique de la première saison), Tiny Toons (DA) et des films comme The Jetsons : The Movie, Sudden Death, Liar Liar, I know what you did last summer, Inspector Gadget, Spy Kids, The Scorpion King, The Tuxedo, Elf, Looney Tunes Back in Action... Bref, Debney n'était certainement pas le premier compositeur à devoir normalement figurer en haut de la liste de Gibson et pour cause. C'est au très doué James Horner (Glory, Willow, Legends of the Fall, Braveheart, Titanic), qui composa les musiques des trois films de Mel Gibson, que celui-ci offrit logiquement le projet. Malheureusement déjà très occupé par ses compositions pour les films Radio, Beyond Borders, The Missing et House of Sand and Fog, le compositeur californien refusa, tout comme il avait dû refuser, pour les mêmes raisons, une autre de ses collaborations habituelles, avec Edward Zwick (Glory, Legends of the Fall) sur The Last Samouraï, job qui échoua finalement entre les mains de Hans Zimmer. Gibson s'orienta alors vers l'une des collaboratrices du compositeur Allemand, Lisa Gerrard (Heat, The Insider, Gladiator, M:I 2, Ali, Tears of the Sun), dont le travail sur Gladiator l'intéressait beaucoup. Celle-ci commença à composer plusieurs morceaux mais elle quitta le projet pour une raison inconnue. Et c'est ainsi que le producteur Stephen McEveety prit contact avec John Debney, un ami d'enfance. McEveety lui téléphona et lui confia qu'ils avaient des problèmes pour trouver quelqu'un pour composer les musiques. Il lui envoya le film et Debney, fervent catholique, fut profondément touché. Il composa immédiatement un morceau que Gibson vint en personne écouter chez lui. Séduit, Gibson l'engagea sur le champ et le morceau en question fut utilisé pour le second trailer du film.
Le premier teaser disposait je crois d'une composition de Peter Gabriel. A ce propos, il est évident que Debney s'est directement inspiré de la world music de La Dernière Tentation du Christ composée par Peter Gabriel, en y ajoutant un côté plus symphonique... Comme pour rendre hommage à cette partition mémorable et inégalable, plusieurs musiciens et choristes de La Tentation ont été invités à partir à la bande son de La Passion, comme Shankar et Ahmed El-Eshmer. C'est ainsi qu'un compositeur de films médiocres s'attaquait à son oeuvre la plus ambitieuse. Un grand merci à Valentine ! :-)
Quelques précisions de la part de Naoki... La quasi-totalité de l'article a été écrite par Arion (quel courage !) L'écriture s'est ensuite faite à quatre mains. Je me suis principalement occupé d'ajouter quelques paragraphes sur les langues mortes, La vie de Brian, South Park et mon film préféré, La dernière tentation du Christ. Au début nous devions d'ailleurs faire un article opposant la Passion et la Tentation, mais je n'ai pu participer par manque de temps. Je vous invite tout de même à aller lire ma critique sur Cyber Namida, écrite il y a déjà six ans. Tous les "Je" sont d'Arion. J'adore l'aspect artistique du film, mais j'ai quelques difficultés avec le fond, notamment la question de l'antisémitisme. Même si dans l'ensemble je suis d'accord avec les propos d'Arion, je me suis senti obligé de délirer sur les illustrations et quelques mauvais jeux de mots pour détendre l'atmosphère ;-)
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