Antisémitisme et vérité historique
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Dans le jardin de Gethsemani |
Mel Gibson savait ce dans quoi il s'embarquait en optant pour le récit incroyablement viscéral et puissant des douze dernières heures de la vie de Jésus de Nazareth, entre son arrestation à Gethsemani et sa crucifixion au Golgotha. Tout le monde, à présent, ne parle plus que de ces deux heures et six minutes réalisées avec sincérité et talent, et avec une violence crue souvent insoutenable et parfois un peu trop complaisante. Beaucoup s'obstinent encore à y voir un panégyrique de l'antisémitisme. Disons le tout net, je ne considère pas The Passion comme un film antisémite. Tout au plus est-il anti-Pharisien. Et encore. Mais le dernier travail de Mel Gibson ne m'a jamais semblé être anti-juif. La réalisateur a, dès le départ, prit le parti de suivre le plus fidèlement possible les passages rapportant le martyre du Christ dans les Evangiles. Celles-ci, écritent plusieurs années après les faits et dans un contexte particulier, offrent une image péjorative des Pharisiens, faite de perfidie, d'hypocrisie et caractérisée par un comportement rituel attaché à la lettre de la loi et dédaigneux de son esprit. Comme beaucoup l'auront rappelé avant moi, il est possible de condamner les actions d'une poignée d'hommes (dans ce cas-ci les Pharisiens et leurs fidèles) mais l'on ne peut tenir pour responsable de ces mêmes actions l'intégralité d'un peuple (ici les Juifs), surtout 2000 ans après les "faits". Car si les prêtres du Temple rallient un certain nombre de personnes à leur cause (ceux qui rouent Jésus de coups et lui crache à la figure dans le Temple ou qui réclament sa crucifixion) avant de condamner le Christ et de le confier aux "bon soins" des Romains, beaucoup de personnages juifs se soucient de Jésus et tentent de lui venir en aide à leur manière tout au long du film. Comme toutes ces femmes en larmes qui hurlent aux romains d'arrêter de faire du mal au "Seigneur" ou à "l'Homme Sacré" sur le Golgotha. Tout comme ce Juif pénitent, Simon de Cyrène, forçé par les romains d'aider le Christ à porter sa croix. Ce même Simon qui s'interposa pour éviter que les romains ne fouettent davantage le "Roi Sacré". Il fit du mieux qu'il put avant de s'en aller, en larmes.
Vous l'aurez compris, l'image renvoyée par les médias n'est pas aussi univoque que l'on aimerait le faire croire. Non, tous les Juifs ne sont pas mauvais dans le film. Mais Gibson met sans doute davantage l'accent sur l'aveuglement et l'endoctrinement de plusieurs d'entre-eux, et ceci dans un but bien précis. Les Juifs servent ici de métaphore ou de symbole humain. L'erreur est humaine. L'Homme est cruel, avide et aveugle. Le film ne fait que transposer sur écran géant ce constat simple et universel. Les Pharisiens se soucièrent plus de leur pouvoir et de leur autorité religieuse mise à mal par le Christ que de savoir si ce dernier était vraiment le Messie tant attendu. Les Juifs n'ont pas inventé la corruption, et l'histoire du christianisme est jalonnée d'actes répréhensibles posés au nom de la politique, du pouvoir et de l'argent.
Un grand merci à Valentine ! :-)
Quelques précisions de la part de Naoki...

La quasi-totalité de l'article a été écrite par Arion (quel courage !)

L'écriture s'est ensuite faite à quatre mains. Je me suis principalement occupé d'ajouter quelques paragraphes sur les langues mortes, La vie de Brian, South Park et mon film préféré, La dernière tentation du Christ. Au début nous devions d'ailleurs faire un article opposant la Passion et la Tentation, mais je n'ai pu participer par manque de temps. Je vous invite tout de même à aller lire ma
critique sur Cyber Namida, écrite il y a déjà six ans.

Tous les "Je" sont d'Arion. J'adore l'aspect artistique du film, mais j'ai quelques difficultés avec le fond, notamment la question de l'antisémitisme. Même si dans l'ensemble je suis d'accord avec les propos d'Arion, je me suis senti obligé de délirer sur les illustrations et quelques mauvais jeux de mots pour détendre l'atmosphère ;-)