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Le 25 novembre 2003 à 15h19
Ecrit par Arion et Nao/Gilles

Sangokushi

La Romance des Trois Royaumes

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"Liu Bei, Guan Yu, et Zhang Fei n'étaient pas nés le même jour, mais ils souhaitaient mourir au même instant."

Le San Guo (Trois Royaumes), alias Sangokushi en japonais (La Romance des Trois Royaumes), est le roman le plus populaire d'Asie avec le Saiyûki (Extrême voyage vers l'Ouest). Ecrit il y a plus de 600 ans, il conte l'histoire de la Dynastie Han dans la Chine du 2ème et 3ème siècle. Panorama étonnant des passions humaines et des ambitions, le livre fascine. En Asie, les enfants le lisent comme ils le feraient avec un conte, tandis que les politiciens l'affectionnent pour les stratégies, les chercheurs pour sa sagesse, les parents pour ses préceptes éducatifs... Un proverbe coréen soutient que l'on peut "discuter de la vie après avoir lu le San Guo".

La Romance des Trois Royaumes est basée sur des événements historiques très précis ainsi que sur de timides passages de pure fiction. Après tout, l'Histoire est le meilleur conteur d'histoire possible ! Mais on pourrait se demander, alors que la Chine est une civilisation indéniablement riche en romans historiques, pourquoi le San Guo est considéré comme le meilleur d'entre eux.

Les trois frères !
Premièrement, la période abordée dans le San Guo (celle de la lutte pour la conquête de l'empire) est la plus extraordinaire qui fut. Jamais autant de talents n'étaient apparus en même temps au cours d'une seule et même ère ; une grosse partie d'entre eux sont d'importantes figures populaires dans des domaines aussi variés que la guerre, la politique, la littérature et la morale ; leurs noms sont mentionnés dans un nombre conséquent d'oeuvres. Deuxièmement, l'auteur de l'ouvrage est l'un des romanciers les plus talentueux que la Chine ait jamais eu. Ecrire un roman centré sur un thème est bien plus ardu que de rédiger des annales, où chaque sujet est traité séparément. Dans la Romance des Trois Royaumes, un immense amas d'informations est assimilé dans un courant épique continu.

La tradition veut que l'auteur de l'édition moderne du livre soit Luo Guanzhong, un sage né au début du 14ème siècle et qui oeuvrait comme savant sous la Dynastie Ming (1368-1644). Quelques trois cent années après Luo Guanzhong, Mao Zonggang retravailla le travail original et rendit populaire cette nouvelle édition, qui deviendra la version la plus lue en Chine et en Asie.

Liu Bei ou le mythe du sauveur
Mais la naissance proprement dite du livre remonte à la dynastie Jin (265-316 AD), durant laquelle un certain Chen Shou était réputé pour avoir été le premier individu à mettre par écrit le San Guo. Il occupait un poste officiel à la court Shu-Han et plus tard fut même historien pour Jin après la soumission de Shu-Han. La première édition comportait 61 chapitres : 26 histoires de Wei, 15 histoires de Shu et 20 histoires de Wu. Un siècle après Chen Shou, l'Empereur Wan de la dynastie Liu-Song engagea Pei Songzhi pour retravailler l'?uvre. Ce dernier rassembla un nombre important de récits et de faits historiques et les ajouta au contenu original. Cette nouvelle édition de 65 chapitres devint une source historique de toute première importance concernant la période des Trois Royaumes. Le livre subit quelques variations et autres interventions mineures jusqu'à ce que Luo Guanzhong combine toutes les sources et réécrive le chef-d'?uvre pour donner naissance à l'édition Mao.

"Lire ce livre est comme contempler des nuages se frayant un chemin au milieu des sommets montagneux, des tempêtes ravageant des forêts, la lune éclabousser l'automne de sa lumière ou les fleurs qui éclosent au printemps. L'évolution de tous les éléments est infinie. Parfois, l'écriture est aussi sereine qu'une étoile filante ; Elle peut-être d'autres fois aussi dévastatrice que la marée ou les tremblements de terre." (Luo Guanzhong)

La Romance des Trois Royaumes est également chérie pour sa maîtrise de la description de phénomènes de cause à effet : "Avant une tempête, le tonnerre se fait entendre ; Après lui, un vent frais se fait sentir". Chaque détail est relié à son origine et est projeté au-delà de sa conclusion.


Et l'animation, dans tout ça ?

Un classique étant un classique, de nombreuses adaptations audiovisuelles en ont été tirées : feuilletons, téléfilms, films "live" ainsi que diverses adaptations animées. Le premier des animés sur
Liu Bei, héros noble et sage
Sangokushi date de 1974 et fut produit par la Toei Animation. Trois téléfilms furent ensuite réalisés et diffusés en 82, 85 et 86 sur la chaîne NHK. Seiji Yokoyama composera les musiques du premier, tandis que Shingo Araki sera crédité à la création des personnages des deux derniers, même s'il n'est pas aisé de déceler son influence dans le design tant il est hétérogène.

C'est en 1991 qu'est mise en chantier la série télé Yokoyama Mitsuteru Sangokushi (47 épisodes diffusés sur TV Tôkyô, du 18 octobre 1991 au 25 septembre 1992) dont le character-design et la direction de l'animation sont signés par Shingo Araki et sa fidèle collaboratrice Michi Himeno. Le "Yokoyama" du titre vient du nom de l'auteur du manga dont cette série est adaptée. Etrangement, Seiji Yokoyama n'a PAS participé à cette version.

Enfin, le 25 janvier 1992 sort le premier long-métrage (2h20). Mis en chantier cinq ans plus tôt par la Tôei Animation pour le compte de Shinano, façade "éditeur" de la fameuse secte Sôka Gakkai, il a été mis en musique par un des membres de la secte... Seiji Yokoyama. Sa sortie au cinéma a probablement été inspirée par la diffusion simultanée de la série animée à la télévision, réalisée de son côté par Shin-ei Dôga. Il sera suivi de deux autres opus, le premier le 20 mars 1993 (2h29, terminé en 1989) et le dernier le 9 avril 1994 (2h27, terminé en 1990), toujours avec des musiques du compositeur de Saint Seiya. Le design, assez moyen, est beaucoup plus proche du manga d'origine. Notons que Shingo Araki a également participé à ces films (a priori uniquement les 2 et 3) en animant certaines séquences spécifiques (un personnage féminin du troisième film notamment est clairement du style Arakien).

Bon, avant de continuer, une petite colle : quels sont les deux artistes liés à Saint Seiya ayant le plus participé à l'univers de Sangokushi ? Vous avez une heure.

Yokoyama Mitsuteru Sangokushi conte les évènements qui se déroulèrent l'année Zhong Ping (Stabilité Centralisée), soit l'année 184 AD, au crépuscule de la dynastie Han, ouvrant la Période des Etats Guerriers. Révoltés par les massacres, les pillages et le chaos ambiant, trois personnages décident de s'élever contre la folie des tyrans. Ils finissent par se rencontrer et font serment de fraternité.

Nous trois, bien qu'étant d'origines différentes, faisant ici voeu de fraternité, combinant notre force et notre volonté pour mettre un terme à la présente crise. Nous ferons notre devoir vis-à-vis de l'Empereur et protéger le peuple, nous ne serons peut-être pas toujours ensemble mais ici nous faisons voeu de mourir le même jour. Puissent le ciel éclatant au-dessus de nous et la terre fidèle sous nos pieds nous assister dans notre quête. Que le Ciel punisse celui qui trahit ce voeu.

Suite à ce serment fraternel, Liu Bei - héritier de la famille impériale légitime déchûe - devint l'aîné, Lord Guan Yu le cadet et Zhang Fei le plus jeune. Tournés vers le même horizon, ils lutteront ensemble pour unifier leur pays et lui apporter la paix.

Qui est donc ce Mitsuteru Yokoyama qui a donné son nom à l'une des adaptations animées de Sangokushi ? Certains d'entre vous ne connaissent peut-être pas son nom, alors qu'ils ont été d'une manière ou d'une autre abreuvé par les ?uvres de ce maître du manga.

Né le 18 juin 1934 dans la préfecture de Hyôgo à Kôbe, il débute dans le manga avec Otonashi no Ken en 1955. Longtemps dans l'ombre d'Osamu Tezuka dont il est le contemporain le plus brillant, il accumulera avec les années un nombre impressionnant de séries, toutes auréolées d'un succès populaire. Sa première ?uvre à succès date de 1958 avec Tetsujin 28 Gô (Iron Man 28). Dans cette série, le héros, Shôtarô Kaneda, est un humain capable de diriger un robot. Ca ne vous rappelle pas quelques ?uvres postérieures ? Les Japonais se passionnent pour les aventures de ce robot aux incroyables pouvoirs qui représente le seul espoir de l'humanité face aux ennemis de la Terre. Ces aventures ont été publiées entre 1958 et 1966 dans Shônen (comme Tetsuwan Atom, de Tezuka) et compteront 10 volumes. L'adaptation animée débute rapidement en 1963, juste 10 mois après celle de Tetsuwan Atom. Elle comprend 96 épisodes réalisés par TCJ animation et
Mitsuteru Yokoyama
perdurera jusqu'au 27 Mai 1965. Une suite voit le jour en 66 et prendra fin en 67. Un remake de la série sera réalisé de 80 à 81 (comme pour... Tetsuwan Atom !) par la Tôkyô Movie Shinsha. En 67, une fois Tetsujin 28 Gô achevé, Yokoyama suit la mode des robots géants qu'il a lui-même lancée, avec le cultissime Giant Robo, jusqu'en 68. Une série live sera tirée de cette série, diffusée jusqu'aux Etats-Unis sous le titre Johnny Sokko and his Flying Robot (sic). Plus tard, en 1992, le réalisateur excentrique Yasuhiro Imagawa obtiendra l'autorisation de réaliser une adaptation très libre de Giant Robo en OAV, n'en reprenant réellement que les personnages principaux, ainsi que quelques personnages d'autres oeuvres de Mitsuteru Yokoyama, et les plongeant dans une histoire de sa création, unanimement considérée comme bien plus réussie que celle du manga d'origine. En matière de mangas de robots, il réalisera également Daimos en 1979, adapté en série TV et sorti en cassette vidéo de par chez nous.

En 1966, Yokoyama publie le manga Mahôtsukai Sally (Sally la petite sorcière), ?uvre shôjo bien connue chez nous via un remake (datant de 1989) de la série TV de 1969. Inspirée de Ma sorcière bien aimée, elle est de son côté le précurseur des nombreuses séries Magical Girls qui suivirent.

Yokoyama s'attaquera ensuite au manga "d'époque". Iga no Kagemaru est une histoire en 15 volumes sur des ninjas aux ordres d'un shôgun dont la mission est de mettre fin aux activités belliqueuses d'un clan de rebelles. Il enchaînera avec une autre histoire de ninjas, Kamen no ninja Akakage, dont une adaptation animée chez la Tôei en 1987 bénéficiera de la présence d'une petite partie du staff de Saint Seiya. Yokoyama a mis en scène beaucoup de mangas "d'époque". Il a également réalisé des biographies de célébrités telles que Nobunaga, Masamune Date ou Tokugawa Ieyasu.

Babel Nisei (11 volumes) parle quant à lui du combat que mènent Yomi et Babel. Ce dernier est un jeune lycéen qui se révèle être le maître de la Tour de Babel (Babylone). Avec son lot de pouvoirs paranormaux, ce manga influença considérablement toute une génération d'auteurs japonais. Babel Nisei eut droit à sa première adaptation animée du 1er janvier 1973 au 24 septembre 1973, pour un total de 39 épisodes avec le grand Shingo Araki à la direction de l'animation et surtout au character-design, une première pour lui. Araki n'a d'ailleurs jamais caché l'importance de Babel Nisei dans sa carrière, oeuvre dont il conservera toujours un souvenir ému. Une seconde adaptation sous forme d'une série d'OAV eut lieu en 92, toujours avec Araki aux commandes (animation et character-design). Si le graphisme est à la hauteur du talent des auteurs, le scénario manque clairement de punch. Néanmoins très appréciée, Babel II se verra dotée d'une nouvelle adaptation animée une dizaine d'années plus tard, mais sans Shingo Araki.

Yokoyama lance ensuite Sono na wa 101 en 5 volumes chez Shônen Champion (il quitte pour la première fois la société éditrice Akita Shôten). Un jeune garçon aux pouvoirs paranormaux est pris en chasse par une organisation qui s'intéresse à son sang. Ils parviennent à en obtenir un échantillon ("échantillon du sujet n°101") qu'ils injectent dans les veines d'autres cobayes, chez qui se manifestent alors d'étranges pouvoirs psychiques. Le sujet 101 tente de détruire l'échantillon mais il est déjà trop tard. Les adversaires psychiques se multiplient et sont envoyés à sa rencontre afin de l'éliminer. En 1973, le prolifique auteur est déjà une star incontestée du manga. Fort de son statut, il n'a plus grand-chose à prouver. Et c'est plein de passion et sans véritable pression qu'il élabore l'oeuvre de sa vie : Sangokushi, la romance des trois royaumes. Une aventure qui durera jusqu'en 1988, répartie sur 60 volumes ! L'auteur prend à peine le temps de souffler qu'en 90 il lance Kôha to Ryûhô, un manga de guerre historique en 21 volumes.

Je ne vous ai cité que les ?uvres les plus connues chez nous, car Yokoyama compte la bagatelle de 237 mangas à son actif ! Un grand monsieur et définitivement l'un des piliers de la bande-dessinée japonaise. Il nous quitta le 15 avril 2004 suite à un incendie dans son habitation.
 
Les dessins de cet article proviennent de l'adaptation animée de Yokoyama Mitsuteru Sangokushi, avec Shingo Araki et Michi Himeno au design (91).

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