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Mamoru Oshii est un fou. Personne ne dira le contraire après avoir vu son Oeuf de l'ange. Mais le Japon sait depuis longtemps que les fous l'étaient parce qu'ils avaient compris le sens de la vie...
A travers son deuxième et ultime film placé dans l'univers très fouillé de Patlabor, Oshii a oublié volontairement les robots, tout comme Christophe Gans le fera dans une version live qu'on attend avec impatience, pour insuffler à ses héros un désir de répondre aux questions qui le tourmentent... Le plus admirable ici, c'est peut-être que le scénario déjà digne pourtant des plus grands films policiers de notre temps, et les rares mais anthologiques séquences de combats de robots, ne sont qu'un (beau) prétexte pour Mamoru Oshii et son dialoguiste Kazunori Itô pour nous livrer quelques réflexions des plus intenses sur la place de l'Homme sur cette planète. On le voit souvent confronté aux autres races partageant la Terre avec nous: les animaux domestiques (et les chiens notamment), les oiseaux (symbole évident de la conquête de la liberté, et qui font du coup fantasmer la majorité des citoyens du film), et les poissons, les seuls à avoir pu apprivoiser l'immensité du monde marin.
Le message de ce merveilleux film qu'est Patlabor 2 n'est pas seulement dans son texte, mais aussi dans ses images. Chacun peut en tirer la conclusion qu'il désire, étant donné la richesse et la profondeur de son propos. Le rythme très lent et exceptionnellement soigné du film permet de s'attacher à des détails qu'on aura laissé échapper une autre fois et qui permettent de redécouvrir le film à chaque nouveau visionnage. Si l'on joue le jeu, Patlabor 2 peut nous accompagner tout au long de notre apprentissage de la vie, et en dire plus long sans un mot que le plus beau discours d'un éminent professeur. Car nous avons ici les meilleurs maîtres à penser qui puissent être. P2 fait en effet place à la maturité en donnant le premier rôle non pas à Noa et Asuma, les deux sympathiques jeunes premiers, mais à Nagumo et Gotô, leurs supérieurs, bien plus aptes à nous expliquer à travers leurs gestes anodins de tous les jours la complexité de la situation de leur pays et de leur vie. Gotô et Nagumo, malgré leur froideur apparente, sont ici plus humains que jamais, l'un de par sa passion touchante pour la mer et les poissons, l'autre de par son amour envers Tsugé, qui eut une grande place dans son coeur quelques années plus tôt. Tous deux passent beaucoup de temps à visiter, muets, les quasi-vestiges d'une civilisation si fière d'elle mais qui ne peut que retomber un jour dans la guerre et se détruire elle-même. C'est inéluctable... P2 est peut-être bien le stade ultime du film contemplatif philosophique. En fin de compte, la phrase qui pourra le mieux résumer l'esprit de Patlabor 2 est prononcée à la fin par un Tsugé ripostant aux humains enfermés dans la complexité de cet univers qu'ils se sont créé : " Si je ne me suis pas suicidé, c'est parce qu'au fond de moi j'avais envie de connaître l'avenir de cette ville... ". Mais Tsugé, s'il croit avoir le dernier mot, dépend lui aussi moralement de Tôkyô, puisqu'il n'a pu à cause d'elle choisir la seule solution qui s'imposait à lui... L'Homme est à jamais prisonnier du charme de l'Evolution... Article paru à l'origine en version raccourcie dans le n°33 de la revue YOKO.
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