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Le 31 mai 2004 à 02h01
Ecrit par Arion et French Daidalos

Kazuo Komatsubara

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C'est avec les aventures du lutteur masqué - qu'il retrouvera la même année sur le moyen-métrage Tiger Mask Fukumen League-sen - que Komatsubara s'essaie au style gekiga, réaliste et plus adulte, qu'il pratiquera également sur Kick no Oni (70-71, 26 épisodes), anime centré sur le kickboxing dont il a dirigé l'animation sur certains épisodes.
Tiger Mask
 [1]. Tiger Mask était le premier anime a introduire ce style révolutionnaire.
"Avant toute chose, pour Tiger Mask, je suis allé regarder un grand nombre de rencontres de catch afin d'étudier les mouvements et les situations... Lorsque je me mis à dessiner, je me suis également aidé des modèles que firent mes deux collègues réalisés à l'occasion de rencontres de catch."
La série de catch servit également de cobaye pour toute une série de nouvelles techniques d'animation : "La technique que j'utilisais le plus fut celle du follow pan, peu employée à l'époque, mais qui était la plus apte à exprimer la dynamique des combats : cette technique consistait à faire suivre constamment les mouvements des personnages en faisant rapidement glisser le décor. Tiger Mask semblait courir des distances incroyables et, lorsqu'il sautait, voler pendant au moins dix mètres. On obtenait ainsi d'un côté un rendu peu réaliste, mais de l'autre un effet qui mettait en évidence la puissance physique et la tension des deux combattants. Une autre technique de déformation que j'utilisais fut celle d'allonger les membres des personnages et diminuer la taille de leur tête, de manière à les rendre plus massifs. J'employais également ces nouvelles expérimentations de déformations dans les scènes où il était nécessaire de représenter de grandes crises psychologiques ; par exemple, représenter le personnage de profil sur un fond tournant, donnant l'aspect d'un tourbillon, ou changer la coloration en rendant les tons plus sombres à l'instant où un personnage réfléchit profondément... "
"Il nous était impossible d'obtenir dans des séries télévisées la même richesse d'un long-métrage d'animation. Nous fûmes donc forcés pour cette raison d'inventer de nouveaux critères expressifs originaux de manière à rendre l'animation plus dynamique, riche de nouveaux effets visuels. C'est Kyojin no Hoshi qui fit en premier ce type de révolution dans un monde dominé jusqu'alors par des personnages à l'aspect et à la démarche stéréotypées sur les modèles de Disney et Fleischer. L'idée de déformer la balle de baseball en la rendant ovale pour donner le sens de la vitesse, de rendre très long le temps pris par le batteur pour la frapper, accentua la force de l'action et inaugura un nouveau type d'expression, certes éloigné de la réalité, mais donnant un effet jamais vu dans l'animation ou au cinéma. La seconde série qui se lança pleinement dans l'expérimentation fut Tiger Mask. Dans le sixième épisode, qui fut ma première expérience en tant que directeur de l'animation, je cherchais avant tout à faire quelque chose de neuf et de fortement dynamique en cassant tous les schémas préétablits, comme le rapport à la réalité."

En réaction aux nombreuses critiques, notamment occidentales, portant sur le côté irréel et exagéré de ces nouveaux modes graphiques, Komatsubara se montrait ferme: "Nous ne sommes pas là pour faire des documentaires. Je ne crois pas que Picasso avait l'objectif de faire des photographies. Ce que je veux dire, c'est que l'animation est une forme expressive qui a ses propres critères de représentations du réel. Si nous voulions exprimer le réel, nous ferions du cinéma, pas des dessins-animés. Personne n'a dit à Picasso que sa façon de représenter la réalité était exagérée. Les animés ne sont pas plus ni moins réalistes que les dessins-animés de Disney, Hanna & Barbera et de la Warner. Ils divergent simplement par leurs modalités d'expressions. Je peux comprendre que celles-ci aient suscité certaines interrogations auprès des spectateurs occidentaux, car nous ne sommes pas familiers de ce public. Toutefois, je ne crois pas que dépeindre la réalité soit l'objectif que doive se fixer un animateur, bien au contraire ; par ses coups de crayon, il vise à créer des situations tellement irréelles qu'on ne pourra pas les confondre avec un film en prises de vues réelles. Lorsque un peintre ou un dessinateur entament leur carrière, ils sont invités à reproduire en mode réaliste tout ce qu'ils voient ; cependant, une fois qu'ils parviennent à dominer cette réalité, ils doivent la détruire et la reconstruire, la réinterpréter de manière personnelle. Leur valeur d'artiste n'est pas liée à la réalité, mais plutôt à la manière avec laquelle il l'interprète. Si les premiers animateurs japonais, ou même Disney, s'étaient bornés à la reproduire fidèlement, l'animation ne serait pas née."

Komatsubara est revenu plus qu'à son tour sur cette époque charnière de l'animation japonaise, à l'instar de son ami Shingo Araki par exemple.
"Il s'agissait d'une époque de pionniers, l'animation n'était pas encore reconnue comme un travail subordonné à des règles fixes et à l'expérience. 'Expérience' était le mot qui hantait les animateurs. La production n'était pas encore aussi lourdement subordonnée aux lois du marché et à l'influence infinie des sponsors, des coproductions, des réseaux télévisées... Nous avions la liberté complète de concevoir et d'imaginer un animé de manière tout à fait personnelle, un animé que nous pouvions manipuler et modeler selon notre bon plaisir."


OH ? J'ai cru voir un Kazuo ! (Titi ©)

A une époque où la sous-traitance d'animés se généralisait et où de nombreux artistes optaient pour le statut de free-lance, Komatsubara choisissait une voie faite de modestie et de fidèle amitié. Alors qu'il vient de terminer son travail sur deux séries à succès (Gegege no Kitarô [2] et Moretsu Ataro [3], il participe en mai 1970 au lancement du studio OH Production, avec trois amis animateurs: Norio Shioyama (Yoroïden Samuraï Troopers, Sôkô Kihyô Votoms) [4]), Kôichi Murata [5] et Kôshin Yonekawa.
Deux importants studio d'animations firent principalement appels à OH Production pour la sous-traitance, la Toei Animation d'une part et A Production de l'autre. De manière à organiser correctement les travaux, les animateurs d'OH Prod furent divisés en deux groupes. Le premier groupe oeuvrant en majorité sur des oeuvres commandées par Tôei sous la direction de Komatsubara, le second, mené par Murata, s'occupant quant à lui des projets A Production. [6] A Production - entité créée par des transfuges de la Toei et appartenant à la Tôkyô Movie [7] - habritait à l'époque de purs talents tels que Isao Takahata, Hayao Miyazaki et Yasuo Ôtsuka. Les deux premiers quitteront le groupe en 1973 pour Zuiyô Enterprise, qui allait devenir Nippon Animation en 1975 [8]. Le studio de Komatsubara choisira de suivre les futurs fondateurs du studio Ghibli [9] puisqu'ils cessèrent de sous-traiter des animés pour A Production et signèrent un partenariat longue durée avec la Zuiyô / Nippon Animation [10].


Go Nagai et ses robots

On le voit, le petit studio de Komatsubara n'a pas tardé à trouver sa place dans le système . Komatsubara s'essaie pour la première fois au character-design sur la série en 22 épisodes Genshi Shônen Ryû (71-72), réalisée par Masayuki Akehi et Shingo Araki, laquelle fut diffusée sur La Cinq en 1989
Devilman (1ère mouture)
sous le titre de "Nolan". Il retrouve le réalisateur Akehi l'année suivante sur le sombre Devilman de Go Nagai (72-73, 39 épisodes), dont il signe le character-design [11], toujours dans le style gekiga le plus pur :
" Devilman n'avait pas des personnages 'achevés', donc en tant qu'animateur, c'était facile à réaliser. Il est plus difficile de travailler avec des personnages 'achevés' comme l'étaient ceux de M. Leiji Matsumoto. Si les personnages ne sont pas achevés, il y a une certaine liberté, des choses originales à créer. Les personnages étaient assez éloignés de l'oeuvre originale. Devilman n'avait pas de boucle de ceinture, par exemple. Mais l'auteur, M. Gô Nagai permets facilement ce genre de choses."

Komatsubara touche même à la réalisation sur Microid S (26 épisodes) en 73, animé imaginé par Osamu Tezuka. Après avoir animé trois épisode de Miracle Shôjo Limit-chan (73, 25 épisodes), Komatsubara entame une intense période de colaboration avec Go Nagai, signant ses grands débuts d'animateur sur un long-métrage d'animation de 43 minutes intitulé Mazinger Z contre Devilman (73), réalisé par Tomoharu Katsumata. Il
Getter Robo
réalise ensuite certains épisodes de Cutey Honey, dont il signe également l'animation des scènes de transformations de l'héroïne [12], et on découvre également sa présence marquante dans le staff de Getter Robo (74-75, 51 épisodes. Character-design et direction de l'animation), un animé capital de l'époque par le perfectionnement de certaines techniques utilisées quelques années auparavant.
"Il existe un autre type de déformation, employé fréquemment dans les animés de robots, à partir de Getter Robo. Là, de manière à rendre l'impression d'énormité du robot et le sens de la distance, je déformais un peu l'abdomen et réduisais souvent la tête. Il fallait donner l'impression qu'il s'agissait d'un robot de 30 mètres ! Il s'agit donc d'une technique de perspective excessive ; ainsi, si une main du robot apparaissaot à l'écran de manière relativement grande, la taille du bras et la main opposés sont réduits, en l'occurence ici pour donner l'impression d'une certaine distance entre les deux bras."

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Merci à Ayou et Captain Jack pour leur aide au niveau des scans, notamment de l'art book "Animator the Great".
Et merci surtout à Daidai, pour son aide essentielle dans les traductions d'interview de l'artiste célébré dans ce dossier ! :-)
[1] Avec notamment la présence de Shingo Araki du côté de l'animation et de la réalisation

[2] 68-69, 65 épisodes. Animation et direction de l'animation

[3] 69-70, 90 épisodes. Animation

[4] Cliquez ici pour accéder à une galerie d'illustrations de la série Votoms par Shioyama

[5] Murata a débuté comme animateur avant de passer à la production. Il est rapidement devenu le patron de OH Prod.

[6] Voir la fin de cet article pour découvrir la liste exhaustive des animés traités par OH Prod.

[7] Tôkyô Movie qui deviendra finalement TMS en 1977, lors de la réouverture du studio après la crise

[8] En 78, Miyazaki et Ôtsuka se joindront à plusieurs ex-membres de A Production pour créer le studio Telecom, chaperonné par TMS. Parmi les travaux de ce studio, le premier et le second film (Cagliostro no shiro) de Lupin III et la série italo-japonaise Meitantei Holmes

[9] Fondé en 85, suite au succès de Kaze no tani no Nausicaa

[10] OH Production, Miyazaki et Takahata travaillèrent donc ensemble sur plusieurs oeuvres, comme sur Alpes no shôjo Heidi (74, 52 épisodes) par exemple.

[11] Et sur lequel travaillaient aussi Tomoharu Katsumata et Masayuki Akehi

[12] Cutey Honey, mieux connue chez nous sous le nom Cherry Miel, dont le design était signé Shingo Araki et Michi Himeno.