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Bon, c'est vrai, ils perdent un peu de leur superbe sur le papier. Mais le combat est le même. La flamme est aussi éclatante. Nos vaillants Chevaliers du zodiaque sont nés dans le premier numéro de l'hebdomadaire Jump de 1986. Mélange parfois maladroit mais toujours sincère de plusieurs oeuvres antérieures de leur auteur, ils ont tout de suite conquis le public japonais par l'originalité de leurs aventures.
Masami Kurumada est issu de "l'ancienne école" de dessinateurs japonais. Il a fait ses débuts chez Shûeisha, l'éditeur de Jump, en 1974. A une époque où le Japon était en pleine renaissance économique, où le besoin de s'affirmer était plus présent que jamais pour ses habitants. Une période riche en mangas mettant en valeur le courage et la persévérance. Baigné dans cet univers, Kurumada a créé en 1977 un manga de boxe plutôt sympathique qui se terminera au bout de 25 volumes, en 1981. Ring ni kakero (Envole-toi vers le ring) est largement inspiré du succès Ashita no Joe, dont il reprendra surtout les valeurs morales. Il y ajoute une flopée de personnages et démontre ainsi, mais était-il utile de le prouver, que l'union fait la force. Intéressé par la mythologie grecque, Kurumada introduit à partir du tome 17 une nouvelle équipe d'adversaires aux héros, les "dieux grecs", tous tirés des légendes qui l'ont toujours fasciné. On notera surtout la présence d'un Pégase, mais aussi d'un Vénus sosie parfait du futur Aphrodite, chevalier d'or des Poissons. On retrouvera même l'influence des noms des bottes secrètes de ces boxeurs pour les attaques des Chevaliers de Saint Seiya, tel que l'ancêtre du Pegasus Rolling Crash... Enfin, Kurumada ménage déjà quelques moments d'émotion, mais encore très loin de l'intensité de ceux de son futur chef-d'oeuvre. On a tout de même l'occasion de voir mourir tous les héros, et de les voir revenir dès le volume suivant, après avoir utilisé la technique du Misopetha-Menos (tiens tiens). De 1982 à 1983, l'auteur s'attache à un manga en dix volumes, Fûma no Kojirô, qui sera adapté sept ans plus tard en animation et diffusé en France. Ces combats interminables entre clans ninja ennemis n'ont rien de très excitant, mais là aussi on retrouve un peu l'ambiance de certains épisodes de Saint Seiya, et l'émotion est déjà plus présente. Pourtant, Kojirô est loin d'arriver à la cheville de Ring ni kakero. L'année suivante, un manga anecdotique en deux volumes, Otokozaka, met plutôt en valeur quant à lui le concept de cosmo-énergie qui sera popularisé dans Saint Seiya. Le temps passe et les mangas de Kurumada continuent à tourner autour du même thème... Si l'on peut se demander s'il est vraiment capable de faire autre chose, il ne faut pas oublier que la plupart de ses oeuvres s'adressent à un public très jeune, de 10 à 15 ans, un âge où l'on a justement besoin de s'identifier et de trouver ses valeurs... Le seul et unique manga de Kurumada destiné aux jeunes adultes, Akane-iro no kaze, est bien plus éloigné de cette conception, et s'attache plutôt à une description de la vie quotidienne d'un samouraï au siècle dernier, sur un fond historique assez détaillé. Venons-en à la création de Saint Seiya en lui-même. Après son Otokozaka, Kurumada s'accorde une petite période de repos qu'il met à profit pour jeter les bases de sa nouvelle série. Quelques idées farfelues lui viennent d'abord à l'esprit : il imagine ainsi un jeune homme revenant dans le dôjô de son père pour constater avec effroi l'assassinat de celui-ci. Il partira ensuite à la poursuite de ses meurtriers. Puis il pense à mettre en scène une colonie de vacances partie dans les montagnes japonaises (comme dans Fûma no Kojirô), et dont le chef de la section de karaté découvre dans un endroit isolé un garçon blessé lors de son entraînement dans un endroit secret de la montagne. On retrouvera par ailleurs en partie cette idée dans les toutes premières pages de Saint Seiya... Kurumada, pourtant grand amateur de mythologie, hésitera un peu avant de placer le cadre de son manga en Grèce, sachant le peu de succès qu'avaient rencontré jusque là les mangas se déroulant hors du Japon. Il cherche d'abord à développer encore plus les effets spéciaux par rapport à ses précédants mangas, et imagine des personnages se battant à mains nues en concentrant leur énergie vitale. Il leur ajoute des armures à la Bioman pour les protéger de l'impact potentiel de ces attaques surpuissantes, puis les remodèle en fonction du nouveau cadre choisi, la Grèce. C'est ainsi que naissent les Cloth (à l'origine appelées kesa, ou étoles en français), qui auront d'ailleurs un look un peu trop futuriste dans les premiers volumes du manga, problème que corrigeront les animateurs dans la série TV puis Kurumada en donnant de nouvelles armures à ses chevaliers. Il appelle ces derniers seisenshi (guerriers sacrés), puis Seitôshi (combattants sacrés), et enfin Saints, qui se prononce un peu de la même façon en japonais (Seinto). Le coordinateur de Kurumada auprès de la Shûeisha lui propose alors l'idée de transformer l'armure de son héros en cheval quand il ne la porte pas. L'auteur fait le rapprochement avec Pégase et c'est ainsi que nait dans son esprit tout le concept des constellations protectrices. Tout naturellement, il appelle son manga Ginga no Rin, ou Rin de la voie lactée. On suppose que Rin était le nom du héros à ce moment précis. Il deviendra Seiya par la suite, ce qui signifie flèche sacrée, puis en changeant l'écriture du premier kanji (il trouvait que ça faisait trop de sacralisation ?), la flèche stellaire. Les bases sont jetées. Il ne reste plus à Kurumada qu'à écrire un scénario potable. C'est là que son travail sera exceptionnel : après avoir compulsé des dizaines de livres érudits sur les diverses mythologies grecque, nordique et chinoise, il arrive à mélanger toutes ces légendes pour en tirer une histoire globalement tout à fait viable. Ainsi, on retrouve par exemple dans le vieux maître de Shiryû un personnage qui aurait réellement été cité dans une légende de la région des Cinq Pics ! Et celui-ci aurait également camouflé un corps jeune et plein de vigueur sous une enveloppe faussement vieillie... Les premiers volumes du manga restent à peu près du niveau des précédentes séries de l'auteur. Graphiquement, on sent très nettement l'influence de cette fameuse vieille école qui marqua les années 70. Ne demandez pas à Kurumada de changer, il n'en serait pas capable. Mais son dessin porte une marque de nostalgie qui n'est pas pour déplaire quand on a connu les délices de ces vieux mangas poussiéreux d'il y a trente ans... Le scénario, par contre, commençait à s'embourber un peu dans le concept des Guerres Galactiques (qu'il a fait durer deux volumes pour mettre ses personnages en place), jusqu'à l'arrivée d'Ikki et son vol de l'armure d'or... A partir de là, tout s'enchaîne à un rythme plus enlevé jusqu'à déboucher sur la découverte de la véritable identité de Saori Kido dans le volume 6. Imaginez que la bataille du Sanctuaire, qui met 41 épisodes à arriver dans la série, commence ici dès la fin du volume 7 ! C'est dans cette saga inoubliable que Masami Kurumada va pour la première fois dévoiler au grand jour son talent de dialoguiste et de belles idées de mises en scène très émouvantes. On regrette quand même que certaines scènes du manga soient un peu sèches et fades par rapport à leur version animée, qui s'attarde plus sur les réactions des personnages que sur leurs actions. Le chapitre du Sanctuaire se termine au volume 13, assez différemment de la série TV puisque Saga s'y suicide d'une autre manière (sans utiliser le sceptre d'Athéna), et qu'aucun de nos Chevaliers n'est ressuscité par la déesse. Ce qui ne les empêchera pas de se réveiller à l'hôpital dans le volume suivant, qui signe le début de la série de Poséidon... Eh oui, déjà. Asgard est malheureusement inédit en manga, mais une histoire courte du tome 13 consacrée à un combat de Hyôga contre des guerriers du Grand Nord, les Blue Warriors, sera tout de même à l'origine de cette superbe mini-série. Dans le cas de Poséidon, c'est le manga qui est plus complet que la série TV. Il y a aussi de nombreuses différences entre les deux, comme le sacrifice d'Aldébaran qui remplace celui de Siegfried contre Sorrento. On notera de plus que les graphismes se sont ici nettement améliorés depuis le début de la série et atteignent leur vitesse de croisière. Les rentrées d'argent obligeant, l'auteur avait probablement pu se permettre d'engager quelques assistants supplémentaires pour l'épauler... Appréciant visiblement les fins un peu amères (comme on le constate allègrement dans Kojirô), Kurumada donne l'impression que nos Chevaliers meurent là aussi à la fin du tome 18, et pourtant ils reviendront encore plus en forme dans le suivant, pour entamer leur plus éprouvant combat, contre le dieu Hadès lui-même. Vous en trouverez un résumé complet dans l'article consacré. Ici aussi, la fin nous laisse un peu... sur notre faim, avec la mort d'un Seiya qui avait beaucoup acquis en panache, et le sort incertain d'une Saori et de chevaliers dépités par la perte de leur proche... Pourtant, Kurumada avait encore l'intention de continuer son manga. Peut-être a-t'il décidé de tuer Seiya après que la Shûeisha lui ait annoncé son désir d'arrêter la série en raison d'une baisse de succès... Le quatrième chapitre, Tenkai-hen (Olympus Chapter ?) aurait dû être consacré à un combat de Saori et de ses chevaliers contre les douze dieux de l'Olympe dans leurs propres temples là-haut dans les cieux... D'après une description du mangaka, cette nouvelle saga devait démarrer sur un champ de fleurs au milieu duquel un Seiya en convalescence sur son fauteuil roulant profitait de la vie aux côtés de sa chère soeur Seika. Peut-être aurions-nous enfin eu l'occasion de découvrir les Kamui, les armures des dieux, encore plus puissantes que les God Cloth que portaient nos chevaliers à la fin de la saga Hadès... Imaginez le mal que Seiya et ses amis auraient eu à vaincre douze dieux d'un seul coup, alors qu'ils ont tout sacrifié pour vaincre un seul d'entre eux, le démoniaque Hadès ! Si nombre de lecteurs auront du mal à s'adapter à un graphisme aujourd'hui démodé, les vrais fans de Saint Seiya ne pourront que se réjouir de l'adaptation en français de ce chef-d'oeuvre chez Dargaud. L'idéal pour supporter l'attente d'une nouvelle adaptation animée, qui devrait pouvoir arriver avant le prochain siècle si les spécialistes marketing de la Shûeisha ont encore un tant soit peu de jugeotte... Merci à Olivier Hagué pour quelques infos !
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