Dossiers Cyna > Lady Oscar

Vous savez sans doute déjà que notre culture et notre Histoire si exotiques (!) passionnent les jeunes Japonaises. Pas étonnant, de ce fait, que l'oeuvre majeure de Riyoko Ikeda, pionnière du manga pour filles, nous conte la vie tumultueuse de Marie-Antoinette !

Créé il y a maintenant 23 ans, Versailles no bara (les roses de Versailles) aura un succès tel qu'on en tirera des CD, un film live (à éviter), un film d'animation, une série TV animée et même un opéra ! Arrivé en France en 1986 et diffusé dans Récré A2 le lundi après-midi sous le titre de Lady Oscar, le dessin animé, d'une durée de 40 épisodes, aura un succès équivalent auprès des jeunes filles. Normal, étant donné sa grande qualité. Le scénario, déjà, est des plus passionnants.

C'est en 1755 que naît Oscar François de Jarjayes, une... adorable petite fille dont le destin sera de vivre comme un garçon, à cause d'un caprice de son père, fidèle serviteur de leurs Majestés, désespéré de ne donner naissance qu'à des filles. Oscar est donc élevée dans l'optique d'être un jour à la tête de la Garde Royale. Elle partagera son enfance avec André, le petit-fils de sa nourrice, qui deviendra vite son ami pour la vie. L'histoire débute notamment avec l'arrivée de Marie-Antoinette (fille de l'impératrice d'Autriche) en France, et son mariage arrangé avec Louis XVI. Oscar se prendra vite d'affection pour celle dont on lui a confié la garde, et elle restera longuement fidèle à la future Reine de France.

Lady Oscar nous conte donc au fil des épisodes les aventures d'Oscar, d'André, de Marie-Antoinette et des autres, suivant par là assez fidèlement le déroulement du manga. Les premiers épisodes nous permettront de faire également la connaissance de Rosalie de Lamorlière, fille d'une pauvre famille, en fait la bâtarde d'une haute dame de la Cour (Mme de Polignac, amie de la reine), qui deviendra par la suite une amie fidèle d'Oscar, mais aussi de Jeanne de La Motte, la soeur de lait de Rosalie. Enfin, on fréquentera dans la dernière partie de la série des révolutionnaires obscurs (tels qu'Alain, qui apparaîtra dans le dernier manga d'Ikeda, Heroica, qui nous conte la vie de Bonaparte) ou plus connus, comme un certain Robespierre...

La série traverse la vie de Marie-Antoinette au fil des années. La mort de Louis XV et son couronnement, ses folies à la Cour, l'affaire du collier (où sera impliquée Jeanne de La Motte), puis la marche vers la Révolution, qui verra sa chute, et enfin sa mort dans le tout dernier épisode. Oscar, quant à elle, se rendra compte petit à petit de la misère qui touche le peuple, et elle s'en rapprochera, d'abord en quittant la Garde Royale, puis en se retournant contre celle qu'elle aura servi toute sa vie durant. Elle jouera un rôle dans la prise de la Bastille mais mourra sur le front, telle l'ultime martyre de la Liberté, peu après son amant André, qui l'aima en silence pendant plus de vingt ans et succomba à cause d'une simple balle perdue, non sans avoir arraché à Oscar ses aveux d'amour. Comme s'il s'était enflammé au contact du corps de sa bien-aimée...

La seule grosse différence entre le manga et la version animée est la dernière parole d'Oscar à sa mort... Dans la version française, elle sourit à son André qu'elle va enfin pouvoir rejoindre dans l'au-delà, tandis que dans la version japonaise, elle souffle un dernier adieu à tous ceux qui l'ont suivie jusque là, non sans penser au bonheur de son amour retrouvé. Aucun rapport malheureusement dans le manga, beaucoup trop sérieux, où elle rend l'âme sur un accablant "Vive la France !". Et le romantisme dans tout ça ?

C'est l'une des raisons qui me font préférer la version animée au manga. Il faut dire qu'elle avait bénéficié d'un staff des plus prodigieux: Tadao Nagahama (qui participa juste avant sa mort à Ulysse 31) et Osamu Dezaki (réalisateur de Cobra, Rémi sans famille, Très cher frère et de nombreux autres) à la réalisation tout d'abord. Mais aussi Michi Himeno (Saint Seiya) au character-design (son travail fut absolument sublime), Shingo Araki (son patron, également impliqué dans Saint Seiya), à la direction de l'animation, Kôji Makaino (Creamy, Vanessa, Bubblegum Crisis) aux musiques de fond, Toshiharu Mizutani (Cat's eye et surtout Akira) aux décors, et Yutaka Fujioka, le président de la TMS Rémi, Ulysse 31, Akira), à la production. Dezaki est arrivé sur la série TV au 19ème épisode, et je pense que ce changement fut très heureux puisque les dix-huit premiers n'ont pas la grandeur de leurs suivants.

Mais pourquoi ce nom de "Roses de Versailles" ? Tout simplement parce que la rose est une fleur magnifique, qui force l'admiration, mais dont le destin est de fâner un jour et de perdre toute sa splendeur... Oscar est une rose, qui a donné toute sa vie durant de l'éclat à la Garde Royale, et a sacrifié sa vie à la Liberté pour mourir en beauté. Marie-Antoinette aura gardé éternellement la jeunesse de l'esprit, sa fraîcheur et son amour de la vie, et c'est avec dignité qu'elle montera sur l'échafaud. La montée au pouvoir de Jeanne de La Motte aura été aussi fulgurante que sa chute, sa mort au fond d'une église, qui la rapprochera sans doute d'autant plus vite du Seigneur. C'est cette flamme qui l'anime qui la rend belle comme une rose. Cette volonté de prendre sa revanche sur la vie. La flamme l'a consumée tout entière, et ce spectacle nous laisse muet, comme si nous avions vu une nouvelle rose fâner...


Depuis la parution originale de cet article (1995), le manga est paru dans son intégralité chez Kana, filiale des éditions Dargaud.


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